Vénus, qui m’envoie, veut te rendre heureux ; mais il faut que tu ailles l’adorer dans son temple de Gnide. Elle fuit, mes bras la suivirent : mon songe s’envola avec elle ; et il ne me resta qu’un doux regret de ne la plus voir, mêlé du plaisir de l’avoir vue.
Je quittai donc l’île de Délos : j’arrivai à Gnide. Je puis dire que d’abord je respirai l’amour. Je sentis, je ne puis pas bien exprimer ce que je sentis. Je n’aimais pas encore, mais je cherchais à aimer : mon cœur s’échauffait comme dans la présence de quelque beauté divine. J’avançai, et je vis de loin des jeunes filles qui jouaient dans la prairie : je fus d’abord entraîné vers elles. Insensé que je suis, disais-je, j’ai, sans aimer, tous les égaremens de l’amour : mon cœur vole déjà vers des objets inconnus, et ces objets lui donnent de l’inquiétude. J’approchai ; je vis la charmante Thémire. Sans doute que nous étions faits l’un pour l’autre. Je ne regardai qu’elle ; et je crois que je serais mort de douleur, si elle n’avait tourné sur moi quelques regards. Grande Vénus, m’écriai-je, puisque vous devez me rendre heureux, faites que ce soit avec cette bergère : je renonce à toutes les autres beautés ; elle seule peut remplir vos promesses et tous les vœux que je ferai jamais.