Page:Montesquieu - Le Temple de Gnide, 1824.djvu/73

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que j’ai faits. C’est un grand crime, Thémire, de te croire infidèle.

Jamais les bois de l’Élysée, que les dieux ont faits exprès pour la tranquillité des ombres qu’ils chérissent ; jamais les forêts de Dodone, qui parlent aux humains de leur félicité future ; ni les jardins des Hespérides, dont les arbres se courbent sous le poids de l’or qui compose leurs fruits, ne furent plus charmans que ce bocage enchanté par la présence de Thémire.

Je me souviens qu’un Satyre, qui suivait une Nymphe qui fuyait tout éplorée, nous vit, et s’arrêta. Heureux amans ! s’écria-t-il, vos yeux savent s’entendre et se répondre ; vos soupirs sont payés par des soupirs ! Mais moi, je passe ma vie sur les traces d’une bergère farouche ; malheureux pendant que je la poursuis, plus malheureux encore lorsque je l’ai atteinte.

Une jeune Nymphe, seule dans ce bois, nous aperçut et soupira. Non, dit-elle, ce n’est que pour augmenter mes tourmens, que le cruel Amour me fait voir un amant si tendre.

Nous trouvâmes Apollon assis auprès d’une fontaine. Il avait suivi Diane, qu’un daim timide avait menée dans ces bois. Je le reconnus à ses blonds cheveux, et à la troupe immortelle qui