Page:Montesquieu - Le Temple de Gnide, 1824.djvu/80

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et, si j’avais voulu, j’aurais volé les armes de l’Amour. Céphise prit l’arc du plus grand des dieux : elle y mit un trait sans que je m’en aperçusse, et le lança contre moi. Je lui dis en souriant : Prends-en un second ; fais-moi une autre blessure ; celle-ci est trop douce. Elle voulut ajuster un autre trait ; il lui tomba sur le pied, et elle cria doucement : c’était le trait le plus pesant qui fût dans le carquois de l’Amour. Elle le reprit, le fit voler ; il me frappa, je me baissai. Ah ! Céphise, tu veux donc me faire mourir ? Elle s’approcha de l’Amour. Il dort profondément, dit-elle ; il s’est fatigué à lancer ses traits. Il faut cueillir des fleurs pour lui lier les pieds et les mains. Ah ! je n’y puis consentir ; car il nous a toujours favorisés. Je vais donc, dit-elle, prendre ses armes, et lui tirer une flèche de toute ma force. Mais il se réveillera, lui dis-je. Eh bien ! qu’il se réveille : que pourra-t-il faire que nous blesser davantage ? Non, non, laissons-le dormir ; nous resterons auprès de lui, et nous en serons plus enflammés.

Céphise prit alors des feuilles de myrtes et de roses. Je veux, dit-elle, en couvrir l’Amour. Les Jeux et les Ris le chercheront, et ne pourront plus le trouver. Elle les jeta sur lui, et elle riait