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Page:Montesquieu - Lettres persanes I, 1873.djvu/100

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Après tout, disent-ils, quand nous serions malheureux en qualité de maris, nous trouverions toujours moyen de nous dédommager en qualité d’amants. Pour qu’un homme pût se plaindre avec raison de l’infidélité de sa femme, il faudroit qu’il n’y eût que trois personnes dans le monde ; ils seront toujours à but quand il y en aura quatre.

C’est une autre question de savoir si la loi naturelle soumet les femmes aux hommes. Non, me disoit l’autre jour un philosophe très galant : la nature n’a jamais dicté une telle loi ; L’empire que nous avons sur elles est une véritable tyrannie ; elles ne nous l’ont laissé prendre que parce qu’elles ont plus de douceur que nous, et par conséquent, plus d’humanité et de raison ; Ces avantages, qui devoient sans doute leur donner la supériorité si nous avions été raisonnables, la leur ont fait perdre, parce que nous ne le sommes point.

Or, s’il est vrai que nous n’avons sur les femmes qu’un pouvoir tyrannique, il ne l’est pas moins qu’elles ont sur nous un empire naturel, celui de la beauté, à qui rien ne résiste. Le nôtre n’est pas de tous les pays ; mais celui de la beauté est universel. Pourquoi aurions-nous donc un privilège ? Est-ce parce que nous sommes les plus forts ? Mais c’est une véritable injustice. Nous employons toutes sortes de moyens pour leur abattre le courage ; les forces seroient égales si l’éducation l’étoit aussi ; éprouvons-les dans les talents que l’éducation n’a point affaiblis et nous verrons si nous sommes si forts.

Il faut l’avouer, quoique cela choque nos mœurs : chez les peuples les plus polis, les femmes