Page:Montesquieu - Lettres persanes I, 1873.djvu/160

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plus que les compilateurs, qui vont, de tous côtés, chercher des lambeaux des ouvrages des autres, qu’ils plaquent dans les leurs, comme des pièces de gazon dans un parterre : ils ne sont point au-dessus de ces ouvriers d’imprimerie qui rangent des caractères, qui, combinés ensemble, font un livre où ils n’ont fourni que la main. Je voudrois qu’on respectât les livres originaux ; et il me semble que c’est une espèce de profanation de tirer les pièces qui les composent du sanctuaire où elles sont, pour les exposer à un mépris qu’elles ne méritent point.

Quand un homme n’a rien à dire de nouveau, que ne se tait-il ? Qu’a-t-on affaire de ces doubles emplois ? Mais je veux donner un nouvel ordre. Vous êtes un habile homme : c’est à dire que vous venez dans ma bibliothèque, et vous mettez en bas les livres qui sont en haut, et en haut ceux qui sont en bas : vous avez fait un chef-d’œuvre.

Je t’écris sur ce sujet, ***, parce que je suis outré d’un livre que je viens de quitter, qui est si gros qu’il sembloit contenir la science universelle ; mais il m’a rompu la tête sans m’avoir rien appris. Adieu.

À Paris, le 8 de la lune de Chahban, 1714.