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guerre, et partager leur cœur et leur esprit entre les devoirs de la religion et ceux de l’art militaire !

Je voudrois que les noms de ceux qui meurent pour la patrie fussent écrits et conservés dans les temples, dans des registres qui fussent comme la source de la gloire et de la noblesse.

À Paris, le 15 de la lune de Gemmadi 1, 1715.

LETTRE lxxxvi.

Usbek à Mirza.
À Ispahan.


Tu sais, Mirza, que quelques ministres de Cha-Soliman avoient formé le dessein d’obliger tous les Arméniens de Perse de quitter le royaume ou de se faire mahométans, dans la pensée que notre empire seroit toujours pollué, tandis qu’il garderoit dans son sein ces infidèles.

C’étoit fait de la grandeur persane, si dans cette occasion l’aveugle dévotion avoit été écoutée.

On ne sait comment la chose manqua ; ni ceux qui firent la proposition, ni ceux qui la rejetèrent, n’en connurent les conséquences : le hasard fit l’office de la raison et de la politique, et sauva l’empire d’un péril plus grand que celui qu’il auroit pu courir de la perte de trois batailles et de la prise de deux villes.

En proscrivant les Arméniens, on pensa détruire en un seul jour tous les négociants, et presque tous