Page:Montesquieu - Lettres persanes II, 1873.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais j’entends l’heure du réfectoire qui sonne. Ceux qui, comme moi, sont à la tête d’une communauté, doivent être les premiers à tous les exercices. En disant cela, le moine me poussa dehors, ferma la porte, et, comme s’il eût volé, disparut à mes yeux.

De Paris, le 21 de la lune de Rhamazan 1719.

LETTRE CXXXIV.

RICA AU MÊME.


Je retournai le lendemain à cette bibliothèque, où je trouvai tout un autre homme que celui que j’avois vu la première fois : son air étoit simple, sa physionomie spirituelle, et son abord très-affable. Dès que je lui eus fait connoître ma curiosité, il se mit en devoir de la satisfaire, et même en qualité d’étranger, de m’instruire.

Mon Père, lui dis-je, quels sont ces gros volumes qui tiennent tout ce côté de bibliothèque ? Ce sont, me dit-il, les interprètes de l’Ecriture. Il y en a un grand nombre ! lui repartis-je ; il faut que l’Écriture fût bien obscure autrefois, et bien claire à présent ; reste-t-il encore quelques doutes ? Peut-il y avoir des points contestés ? S’il y en a, bon Dieu ! s’il y en a ! me répondit-il ; il y en a presque autant que de lignes. Oui, lui dis-je ! Et qu’ont donc fait tous ces auteurs ! Ces auteurs, me repartit-il, n’ont point cherché dans l’Écriture ce qu’il faut croire, mais ce qu’ils croient eux-mêmes ;