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MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION

obligé en conscience de faire des loix pénales contre quelqu’un des deux partis que ce soit. Car, s’il peut toujours et doit même souvent accorder aux sectes là tolérance extérieure dans ses états, sans intéresser sa conscience, à plus forte raison peut-il[1] l’accorder toujours aux deux partis qui combattent aujourd’hui, dont on ne peut pas dire qu’aucun des deux soit séparé de l’Église catholique que par la raison que, dans la fureur qui les anime, ils s’en séparent eux-mêmes.

C’est donc ici le cas où le Prince ne doit jamais se laisser entamer par quelque sophisme qu’on puisse lui faire sur un certain intérêt apparent de la religion ; car ce n’est pas l’intérêt de la religion, mais l’intérêt des disputes que l’on fait sur la religion.

C’est encore une chose évidente que la conscience du Prince ne l’oblige pas de travailler à s’instruire des choses sur lesquelles les théologiens disputent. Cela est si vrai que, pourvu qu’on croie quelques articles fort courts, contenus dans le catéchisme, et dont l’intelligence est refusée à notre entendement, il n’y a point d’homme, dans le royaume, qui, dans cet état, ne soit aussi bon Catholique que tous les théologiens ensemble.

On peut aisément se convaincre qu’il est impossible que la paix vienne de la part d’un consentement mutuel des théologiens ; car, si elle avoit pu venir par là, les peines, les soins infatigables que les ministres se donnent sur cela, depuis quarante ans, l’auroit certainement procurée.

  1. [Entre les lignes : ]… pourra.