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Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/173

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détruit les institutions de presque tous les peuples de la Terre, pour établir les leurs.

281* (1729. III, P 47). — Des Armées. — Lorsque les armées ont affoibli le peuple vaincu, les terreurs qui ont cessé de venir de la part du peuple conquis 5 viennent du côté des armées, et voici les moyens que l’on a pris pour les contenir dans la fidélité.

On sépare l’armée, et on la dispose en plusieurs, pour que, selon l’expression de Tacite, elles ne se communiquent ni leurs forces, ni leurs vices1. 10

L’expérience a encore fait voir que l’oisiveté rend les soldats séditieux, « Par des expéditions fréquentes, dit Tacite, les légions de la Bretagne apprirent à haïr leurs ennemis, et non pas leurs capitaines2. »

Lorsque l’armée sera devenue riche par la con- i5 quête, elle tombera dans la dissolution ou dans la désobéissance. La dureté du métier de soldat est incompatible avec le luxe et les richesses. Alexandre, partant pour les Indes, fit brûler tout le bagage de ses soldats. Thamas-Kouli-Kan, conquérant des 20 mêmes Indes, obligea les siens de rapporter tout leur or. Ce sont des entreprises très hardies.

Les Empereurs romains retenoient une partie de la paye des soldats3, avec les drapeaux de l’armée, pour gage de leur fidélité ; on "ne leur (sic) donnoit qu’au 25 licenciement. Je ne vois pas que cela ait produit de

1. Nec vitiis, nec viribus miscebantur. (Histoires, livre Ier.)

2. Doctœ crebris expeditionibus hostem potius odisse. (Histoires, livre I«r.)

3. Histoire de l’Univers de Pufendorf.