Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/190

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capitale. C’est, en quelque façon, le seul asile qu’il y ait contre la tyrannie des gouverneurs. Le Prince y est un astre singulier : il échauffe de près et brûle de loin. Le malheur est que tant de monde ne s’y 5 assemble que pour périr tout à la fois par une guerre, des maladies, une famine.

Dans cet état, tous les principes sont destructeurs, et toutes les conséquences.

La plus déplorable situation est lorsque la capi10 taie, qui attire tout le monde des provinces, se détruit de son côté. Constantinople est dans ce cas1. Les maladies épidémiques, que l’on y néglige, font périr le peuple ; on a beau y amener des colonies, la Ville n’augmente pas. i5 Dans une monarchie, la capitale peut augmenter de deux manières: ou parce que les richesses des provinces y attirent des habitants (c’est le cas où est un certain royaume maritime) ; ou parce que la pauvreté des provinces les y envoye (dans ce derao nier cas, si l’on n’a l’œil sur les provinces, le tout sera également ruiné2).

Une monarchie qui a des règles et des loix n’est pas ruinée par la capitale. Elle peut même en tirer sa splendeur. Le Prince a mille moyens pour a5 remettre l’équilibre et ramener le peuple dans les provinces ; et, pour ne parler que de ceux qui viennent d’abord dans l’esprit, qu’il diminue dans

1. Madrid est dans le même cas. Les accouchements n’y sont pas heureux. J’en ai parlé dans mes Réflexions.

2. Voyez (I»r volume [de] mes Pensées, page 223) les raisons pourquoi les villes d’Asie peuvent être plus peuplées.