Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/199

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334* (1904. III, P 137). — Bienséances. — Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas parlé des bienséances. Elles sont les manières établies pour écarter l’idée du mépris de son état, ou de ses devoirs, ou de la vertu. Elles sont rigides, et chez les peuples qui 5 ont de mauvaises mœurs, et chez ceux qui les ont bonnes. Chez les uns, elles sont établies pour gêner les vices, et, chez les autres, pour empêcher qu’on ne les soupçonne. Dans les unes (sic), les bienséances sont de l’innocence ; dans les autres, 10 elles ne sont que des justifications.

Elles sont la seule hypocrisie qui soit permise ; elles sont un léger hommage que le vice rend à la vertu. On ne veut pas paroître meilleur qu’on n’est, mais moins mauvais qu’on n’est. Elles ne trompent i5 personne et attestent plutôt la conscience générale que la conscience de chacun.

Un homme, qui n’étoit pas à beaucoup près si sublime que M. de La Rochefoucault, faisoit cette

réflexion : «Je ne sais pas pourquoi M me 20

fait tant de compliments quand il veut mettre son chapeau sur le lit de ma femme, et m’en fait si peu lorsqu’il veut coucher avec elle. » Effectivement, on est bien surpris. Mais, quelque déréglée que soit une nation, elle met (sic) toujours ses bien- a5 séances, quelquefois plus fortes à proportion des derèglements.

335* (1778. III, f° 71). — Je suis obligé de tenir les côtes, et je voudrois voguer en pleine mer.