Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/200

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336* (1694. III, f° 38). — Que dans le Fond tout est Échange (Livre du Commerce). — Pour sentir ceci, il faut penser qu’une nation négocie avec une nation. Celle-ci envoye du vin et reçoit du bled. Qu’a fait la b monnoye ? Elle a, dans la suite continuelle des divers marchés qui se sont faits, été la commune mesure et du bled et du vin. Si cet état a envoyé moins de vin qu’il n’a reçu de bled, l’argent a fixé le terme où cette nation a reçu assez de bled pour son vin, c’est-à-dire

10 a fixé le moment où les échanges de part et d’autre étoient justes, c’est-à-dire où cette même nation a reçu assez de bled pour son vin. Que si elle reçoit encore du bled, la monnoye n’a plus cette même fonction à faire. Il faut que l’argent soit donné comme troc, et

» 5 non plus comme signe. En un mot, dans la (sic) solde qui se fait toujours en argent, l’argent ne doit plus être considéré comme signe, mais comme marchandise. Il suit de là qu’un état qui ruine les autres se ruine lui-même, et que, s’il manque à la prospérité

3.0 comm[un]e, il manque à la sienne. La raison en est claire. Un état ruiné ne peut faire d’échanges avec les autres ; les autres ne peuvent pas non plus faire d’échanges avec lui. Ce qui fait que l’on ne sent pas bien cela, c’est que l’on ne sent bien que le

»5 mal qui nous vient de la perte du commerce immédiat. Toutes les nations tiennent à une chaîne et se communiquent leurs maux et leurs biens.

Je ne fais point une déclamation ; je dis une vérité: la prospérité de l’Univers fera toujours la nôtre ;

30 et, comme dit Marc-Antonin: « Ce qui n’est point utile à l’essaim n’est point utile à l’abeille. »