Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

chantés par tous les poètes. Ainsi il ne faut pas s’étonner de voir tant de défectuosités dans les anciennes histoires, et tant d’empires et de royaumes dans l’oubli.

5 Il n’en étoit pas comme à présent que tous les peuples sont si liés que l’histoire de l’un éclaircit toujours celle des autres.

Chaque grande nation se regardoit presque comme la seule : les Chinois croyoient que leur

10 empire étoit le Monde ; les Romains se croyoient les monarques de l’Univers ; l’impénétrable continent de l’Afrique, celui de l’Amérique, formoient toute la Terre pour ses conquérants. La philosophie ne faisoit que décourager ceux

i5 qui auroient voulu tenter quelques découvertes: elle enseignoit que, de cinq parties de la Terre, il n’y en avoit que deux habitables, et que ceux qui étoient dans l’une ne pouvoient pas pénétrer jusque dans l’autre.

"Cependant, tous les obstacles ont reculé devant

les voyageurs. Souvent on s’est garanti des ardeurs du Soleil en

se mettant au milieu de la zone torride, et souvent

on s’est sauvé du grand froid en approchant de 25 plus près du pôle. Souvent on a trouvé, sur une

même montagne, la zone torride, d’un côté, et la

zone glaciale, de l’autre. La Mer a donné des passages où l’on croyoit

qu’il n’y avoit que des terres, et de grands conti30 nents ont paru dans les lieux où l’on ne soupçon

noit que de vastes mers.