Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/259

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respectables, n’ait eu recours au mystère. Les Égyptiens, qui sont les auteurs de toute sainteté, cachoient leur culte avec un très grand soin.

Il étoit défendu chez les Grecs de découvrir les cérémonies de Cérès, et les Romains regardoient 5 comme un sacrilège inexpiable d’avoir révélé les mystères de cette Divinité grecque et ceux des Divinités égyptiennes.

Il y avoit une autre espèce de mystère qui consistoit à cacher le nom de la Divinité qu’on adoroit. 10 Il étoit défendu aux Juifs, sous peine de mort, de prononcer le nom de Dieu, et il étoit défendu aux Romains, sous la même peine, de prononcer celui des Dieux de leur ville, et même le vrai nom de la Ville. .5

La raison de cette défense n’étoit pourtant pas la même pour les deux nations: une crainte religieuse l’interdisoit aux Juifs, et une crainte politique l’interdisoit aux Romains.

Les Juifs regardoient le nom comme le principal ao attribut de la chose. Aussi Dieu qui agissoit toujours conformément aux idées que ce peuple devoit avoir, eut un soin particulier d’imposer un nom aux choses à mesure qu’il les créoit, et de changer le nom des patriarches à mesure qu’ils changeoient de 25 situation et de fortune.

Mais les Romains craignoient que si les étrangers savoient le nom des Dieux de leur ville, ils ne les évoquassent et ne les privassent par là de leur secours et de leur présence. 30

Il y a une autre sorte de mystère religieux qui