Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/278

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Je vois tous les amours dans un seul de vos traits.
Si l’on est criminel alors qu’on vous adore,
Je serai tous les jours plus criminel encore.
Mais, pourquoi mon amour seroit-il odieux ?
Les adorations n’offensent point les Dieux.

Ah ! Ne m’imputez point la fureur de mes armes ;
Tout mon crime est d’avoir ignoré tant de charmes.
Pourquoi me cachiez-vous l’éclat de vos beaux yeux ?
J’aurois cédé, Madame, à ces roix, à ces Dieux.
J’aurois emprunté d’eux ces foudres redoutables ;
J’aurois emprunté d’eux ces (?) traits inévitables ;
Et, marchant sur vos pas, combattant sous vos loix,
J’aurois su tout soumettre à ces Dieux, à ces roix.

Que vos ressentiments tombent avec vos chaînes,
Et, dans le rang suprême où vous ont mis les Dieux,
Venez, Madame, apprendre à pardonner comme eux.

(Tigrane dit :)

Ma moindre passion est toute violente ;
C’est un orage affreux d’une âme turbulente :
La Raison ne voit rien dans cette épaisse nuit.

Un amant plus heureux qui porteroit mes chaînes,
Dans ce rapport confus de plaisirs et de peines,
Tantôt plus languissant, tantôt plus animé,
Jouiroit du plaisir d’aimer et d’être aimé.