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Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/314

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Mexique ne périrent que par leur ignorance, et il y a apparence qu’ils se seroient défendus contre nos arts, si cette même ignorance n’avoit mis dans leur cœur une superstition qui leur faisoit sans cesse 5 espérer ce qu’ils ne devoient pas espérer, et craindre ce qu’ils ne devoient pas craindre. Et une preuve certaine de cela, c’est que les petits peuples barbares qui se trouvèrent dans ce vaste continent ne purent être soumis, et la plupart ne le sont pas 10 encore.

Il ne faut donc pas regarder, dans une grande nation, les sciences comme une occupation vaine ; c’est un objet sérieux. Et nous n’avons pas à nous reprocher que notre

ib nation n’y ait travaillé avec soin. Mais, comme, dans les empires, rien n’approche plus de la décadence qu’une grande prospérité, aussi, dans notre république littéraire, il est à craindre que la prospérité ne mène à la décadence. Nous n’avons que

10 les inconvénients que nous trouvons dans notre prospérité même, heureux de n’être plus dans ces temps où l’on ne trouvoit que ceux qui étoient produits par une cause contraire. Le savoir, par les secours de toutes les espèces

23 que nous avons eus, a pris parmi nous un air aisé, une apparence de facilité qui fait que tout le monde se juge savant*ou bel esprit et avoir acquis le droit de mépriser les autres. De là, cette négligence d’apprendre ce qu’on croit savoir. De là, cette sotte

3o confiance dans ses propres forces, qui fait entreprendre ce qu’on n’est pas capable d’exécuter. De