Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/373

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pas même. Toute l’union consistait à se mettre plusieurs sous la protection d’un seul, et [à] avoir encore chacun, en descendant, d’autres plus petits sous sa protection. C’étoit, pour lors, le génie de l’Europe. Tous les seigneurs françois se mirent sous 5 la protection de leur roi, c’est-à-dire consentirent à relever de lui. La Couronne devint le fief dominant de tout l’État, et, selon la loi des fiefs, chaque fief qui relevoit immédiatement d’elle lui fut reversible : ce qui n’étoit point à charge aux princes ou io seigneurs françois, parce qu’ils exerçoient le même droit sur leurs vassaux, et que, d’ailleurs, cette condition ne les concernoit, ni eux, ni leur postérité.

Mais il arriva de là que, le hasard ayant rendu ces réunions très promptes, parce que beaucoup de i5 maisons finirent pendant que la postérité de Hugues Capet resta éternelle ; il est arrivé (dis-je) que le Roi a succédé à l’autorité des principaux seigneurs françois et a réuni à soi l’une et l’autre puissance : ce qui est peut-être la manière la plus innocente so d’acquérir.

De plus, par cet ordre même, il falloit nécessairement que la Couronne engloutît tout, à la fin : car elle avoit un droit sur tout, et il falloit bien que tout revint s’y perdre, comme les fleuves dans a5 l’Océan.

Et il ne faut pas croire, comme quelques historiens ont dit, que Hugues Capet eût donné aux Seigneurs des privilèges pour obtenir d’eux la couronne : car il ne leur auroit donné que ce qu’ils 3o avoient, et que ce qu’il n’avoit pas lui-même. Il