Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/412

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de la royauté, mais né avec un esprit médiocre. Il se trompa souvent de la vraye grandeur à la fausse. Il ne sut ni commencer ses guerres, ni les finir. Dans un siècle et dans une partie du Monde 5 où le héroïsme (sic) est devenu impossible, il eut le foible de le chercher. Déterminé à ses entreprises par l’intérêt de ses ministres, il ne sut ni attendre les prétextes, ni les prendre. Le Ciel lui donna des ministres et des généraux ; son choix ne lui en

10 donna jamais. Ses confesseurs, qui accommodèrent toujours sa dévotion à sa situation présente, *lui firent croire, lorsqu’il fit des traités où il abandonnoit tout, que la dévotion consistoit dans la modération ; lorsqu’il faisoit la guerre, ils ne lui parlèrent

i5 que de David ; lorsqu’il fit la paix, ils ne lui parlèrent que de Salomon*. Cette dévotion acheva de lui ôter le peu de génie que la Nature lui avoit donné. Son Conseil de Conscience, de dur qu’étoit son gouvernement, le rendit odieux et ridicule ; il

ao le filouta pendant quarante ans aux yeux de toute l’Europe ; il fut pris sur le fait, sans perdre sa dupe. On admiroit la hardiesse du Conseil de Conscience et la débilité des autres : là, tout étoit feu ; partout ailleurs, de la tiédeur et de la cons

25 ternation. Le ministère idiot de Chamillard acheva de le dégrader. Très facile à tromper, parce qu’il se communiquoit peu. M. de Cambray, par sa dévotion, pensa devenir son premier ministre. Sur la fin de ses jours, difficile à amuser ; incapable de

3o chercher, ni de trouver dans lui-même des ressources ; sans lecture, sans passions ; attristé par sa