Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/411

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plus rien après le cœur, et, dans la médiocrité, jouit de la plus grande de toutes les fortunes. Lorsque le Roi devint difficile, sans cesse exposée à ses chagrins, elle sembla plutôt les adoucir que les souffrir. Il est vrai que le Roi avoit l’âme plus grande que la 5 sienne ; ce qui faisoit qu’elle abaissoit continuellement celle du Roi.

Le Roi avoit perdu le cœur de ses sujets par les tributs intolérables dont il les avoit chargés, soutien nécessaire d’une guerre vaine : car telle est la nature 10 des choses qu’ordinairement ceux qui commencent à combattre pour la gloire finissent par combattre pour le salut de l’État.

La guerre entreprise souvent sans sujet fit croire que toutes celles qu’il fit dans la suite étoient aussi peu légitimes, et, quand on combattoit pour le salut du royaume, on croyoit encore ne combattre que pour les passions du Roi.

Il avoit un désir immodéré d’accroître sa puissance sur ses sujets ; en quoi, je ne sais si je dois le a0 tant blâmer d’un sentiment commun à presque tous les hommes.

Il avoit plus les qualités médiocres d’un roi que les grandes, une figure noble, un air grave, accessible, poli, constant dans ses amitiés, n’aimant à 25 changer de ministres ni de manières de gouverner, astreint aux loix et aux règles, dès qu’elles ne choquoient pas ses intérêts, aimant à conserver les droits des sujets envers les sujets, libéral envers ses domestiques, très propre, enfin, à soutenir l’extérieur