Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/422

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que l’on avoit de l’amitié en établissoit les droits. Un homme n’étoit puissant dans le Sénat et dans le Peuple que par ses amis, n’alloit aux charges que par ses amis, et, quand le temps de son adminis5 tration étoit fini, en butte à toutes les accusations, on avoit encore plus besoin de ses amis. Les citoyens tenoient aux citoyens par toutes sortes de chaînes : on étoit lié avec ses amis, ses affranchis, ses esclaves, ses enfants. Aujourd’hui, tout est aboli jusqu’à

10 la puissance paternelle : chaque homme est isolé. Il semble que l’effet naturel de la puissance arbitraire soit de particulariser tous les intérêts.

Cependant, ces liens qui détachoient l’homme de lui-même pour l’attacher à autrui faisoient faire les

i5 grandes actions. Sans cela, tout est vulgaire, et il ne reste qu’un intérêt bas, qui n’est proprement que l’instinct animal de tous les hommes.

Parmi nous, ceux qui peuvent faire du bien aux autres sont précisément ceux qui n’ont et ne peu

20 vent avoir d’amis. Je parle des Princes et d’une troisième espèce d’hommes qui tiennent le milieu entre le Souverain et ses sujets ; je veux dire les Ministres : gens qui ne jouissent que des malheurs de la condition des Princes et n’ont ni les avantages de la vie

î5 privée, ni ceux de la souveraineté1.

60o*(i254. II, f° 1o7 v°).— L’usage des femmes de la Cour de faire des affaires a produit bien des maux : i° Cela remplit toutes sortes de places de

1. Ce que je dis des Ministres, je l’ai mis dans le traité du Prince.