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deux ou trois nations de l’Europe auraient bientôt exterminé ou mangé toutes les autres.

614* ( 1265. II, f 113). — Exemples particuliers des Conquêtes des Espagnols dans les Indes. — Si l’on 5 veut savoir à quoi sert la philosophie, on n’a qu’à lire l’histoire de la conquête de deux grands empires : celui du Mexique et celui du Pérou.

Si un Descartes étoit venu au Mexique cent ans avant Cortez ; qu’il eût appris aux Mexicains que les

10 hommes, composés comme ils sont, ne peuvent pas être immortels ; qu’il leur eût fait comprendre que tous les effets de la Nature sont une suite des loix et des communications des mouvements ; qu’il leur eût fait reconnoître dans les effets de la Nature le choc

i5 des corps, plutôt que la puissance invisible des Esprits : Cortez, avec une poignée de gens, n’auroit jamais détruit le vaste empire du Mexique, et Pizarre, celui du Pérou. Quand les Romains, la première fois, virent des

20 éléphants qui combattoient contre eux, ils furent étonnés ; mais ils ne perdirent pas l’esprit, comme les Mexicains à la vue des chevaux.

Les éléphants ne parurent aux yeux des Romains que des bêtes plus grandes que celles qu’ils avoient

25 vues. Ces bêtes ne firent sur leurs esprits que l’impression qu’ils devoient naturellement faire : ils sentirent qu’ils avoient besoin d’un plus grand courage, parce que leur ennemi avoit de plus grandes forces. Attaqués d’une manière nouvelle, ils cherchèrent de

3o nouveaux moyens de se défendre.