Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/429

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


L’invention de la poudre en Europe donna un si médiocre avantage à la nation qui s’en servit la première, qu’il n’est pas encore décidé laquelle eut ce premier avantage.

La découverte des lunettes d’approche ne servit 5 qu’une seule fois aux Hollandois.

Nous ne trouvons, dans tous les effets, qu’un pur mécanisme, et, par là, il n’y a point d’artifices que nous ne soyons en état d’éluder par un autre artifice. 10

Ces effets que l’ignorance de la philosophie fait attribuer aux Puissances invisibles ne sont pas pernicieux en ce qu’ils donnent la peur, mais en ce qu’ils jettent dans le désespoir de vaincre et ne permettent] point à ceux qui en sont frappés de faire ô usage de leurs forces, les leur faisant juger inutiles.

Ainsi il n’y a rien de si dangereux que de frapper trop l’esprit du Peuple de miracles et de prodiges. Rien n’est plus capable d’engendrer des préjugés destructifs que la superstition, et, s’il est quelquefois 20 arrivé que de sages législateurs s’en soyent servis avec avantage, le Genre humain, en général, y a mille fois plus perdu que gagné.

Il est vrai que les premiers roix du Pérou trouvèrent un grand avantage à se faire passer pour fils du î> Soleil ; que, par là, ils se rendirent absolus sur leurs sujets et respectables aux étrangers, qui se rangèrent à l’envi sous leur obéissance. Mais ces avantages que les monarques du Pérou avoient tirés de la superstition, la superstition les leur fit perdre. La 3o seule venue des Espagnols découragea les sujets