Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/471

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Il doit être d’autant plus jaloux du choix de ses ministres que c’est presque la seule action de la royauté qui lui soit propre : les ministres qu’il a une fois choisis prenant part à toutes les autres.

Il ne doit point tellement priver ses ministres de 5 sa confiance qu’il leur fasse juger qu’ils sont en péril : car, pour lors, ils ne songent plus qu’à se maintenir et à combattre, par leurs finesses, ses inquiétudes.

Il ne doit pas les soumettre à un conseil intérieur de quelque favori ou de quelques domestiques : 10 le peuple [ai]me une autorité visible ; il ne peut souffrir un gouvernement secret, ni à (sic) être conduit comme par des intelligences.

Il ne faut pas qu’il les change avec légèreté : car il est sûr qu’un nouveau ministre formera de nou- i5 veaux projets, et le plan le plus opposé à ce qu’il trouvera établi sera sûrement celui qui lui plaira le mieux. Chaque homme est aussi ennemi des idées des autres qu’il est amoureux des siennes. On voit cela dans les bâtiments, qu’un successeur n’acheva 20 presque jamais.

Du reste, je ne saurois envier la condition de ce troisième genre d’hommes qui est entre le Souverain et les sujets ; qui n’ont (sic) que les malheurs de la condition des Princes et ne jouissent ni de la réalité a5 de la souveraineté, ni des avantages de la vie privée. Je leur conseille : de ne point faire de mauvaises actions pour se maintenir dans un poste malheureux ; d’y entrer avec honneur ; de s’y conserver avec innocence ; d’en sortir avec dignité ; et, quand on en est 3o sorti, de n’y rentrer jamais.