Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/49

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n’ayant guère que trois cent cinquante ans de noblesse prouvée, cependant j’y suis très attaché, et je serois homme à faire des substitutions.

» Quand je me fie à quelqu’un, je le fais sans réserve; mais je me fie à peu de personnes. 5

» Ce qui m’a toujours donné assez mauvaise opinion de moi, c’est qu’il y a peu d’états dans la République auxquels j’eusse été véritablement propre.

» Quant à mon métier de président, j’avois le cœur très droit; je comprenois assez les questions en i° elles-mêmes; mais, quant à la procédure, je n’y entendois rien. Je m’y étois pourtant appliqué; mais, ce qui m’en dégoûtoit le plus, c’est que je voyois à des bêtes ce même talent qui me fuyoit, pour ainsi dire. i5

r Ma machine est tellement composée que j’ai besoin de me recueillir dans toutes les matières un peu composées. Sans cela, mes idées se confondent; et, si je sens que je suis écouté, il me semble pour lors que toute la question s’évanouit devant moi. 20 Plusieurs traces se réveillent à la fois, et il résulte de là qu’aucune trace n’est réveillée.

» Quant aux conversations de raisonnement, où les sujets sont toujours coupés et recoupés, je m’en tire assez bien. 2b

» Je n’ai jamais vu couler de larmes sans en être attendri.

»Je pardonne aisément par la raison que je ne sais pas haïr. Il me semble que la haine est douloureuse. Lorsque quelqu’un a voulu se réconcilier 3o avec moi, j’ai senti ma vanité flattée, et j’ai cessé de