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Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/91

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Il fut pleuré pendant quarante jours: chacun crut avoir perdu son père ; chacun disoit: « Qu’est devenue l’espérance des Troglodytes? Nous vous perdons, cher Prince! Vous croyiez que vous n’étiez pas digne de nous commander. Le Ciel a 5 fait voir que nous n’étions pas dignes de vous obéir. Mais nous jurons, par vos mânes sacrés, que, puisque vous n’avez pas voulu nous gouverner par vos loix, nous nous conduirons par vos exemples. »

Il fallut élire un autre prince, et il y eut une 10 chose de remarquable : c’est que, de tous les parents du monarque défunt, aucun ne réclama la couronne. On choisit, dans cette famille, le plus sage et le plus juste de tous.

Vers la fin de son règne, quelques gens crurent i5 qu’il étoit nécessaire d’établir chez les Troglodytes le commerce et les arts. On assembla la Nation, et cela fut résolu.

Le Roi parla ainsi: « Vous voulûtes que je prisse la couronne et me crûtes assez vertueux pour vous 20 gouverner. Le Ciel m’est témoin que, depuis ce temps, le bonheur des Troglodytes a été l’unique objet de mes inquiétudes. J’ai la gloire que mon règne n’a point été souillé par la lâcheté d’un Troglodyte. Voudriez - vous préférer aujourd’hui les richesses à votre vertu? >

« Seigneur, lui dit un d’entre eux, nous sommes heureux: nous travaillons sur un fonds excellent. Oserai-je le dire? Ce sera vous seul qui déciderez si les richesses seront pernicieuses à votre peuple, 30 ou non. S’ils voyent que vous les préférez à la