Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t2, 1901.djvu/125

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faveur leur sera revenue. Un homme qui sort de la disgrâce est charmé de trouver partout des gens qui aspirent à son amitié. Il s’attache à ces amis nouveaux, qui lui donnent une image plus vive de sa grandeur. Comme ce qui l’amusoit dans sa dis- 3 grâce ne l’amuse plus, il vous met au rang des choses qui n’amusent plus. Il a changé, et vous, qui n’avez point changé, vous vous dégoûtez. Cependant, il y a de l’injustice à vous de vouloir qu’un cœur que tout cherche à remplir, soit aussi à vous qu’il l’étoit dans 1o la solitude. Au milieu du bruit d’une grande fortune, il revient à ses anciens amis, comme il reviendroit dans une solitude. Il semble qu’ils lui rappellent sa petitesse. Que si vous le faites apercevoir que vous sentez son changement, il vous regarde comme un 15 créancier incommode : il en viendra bientôt à vous disputer la dette, et, plus il vous ôtera de son amitié, moins il croira vous devoir.

1097*(938. II, f° 17 v°). — Rien n’est plus près de la Providence divine que cette bienveillance générale 2o et cette grande capacité d’aimer qui embrasse tous les hommes, et rien n’approche plus de l’instinct des bêtes que ces bornes que le cœur se donne lorsqu’il n’est touché que de son intérêt propre, ou de ce qui est autour de lui 1. 25

1098 (1181. II, f° 82 v°). — Les gens extrêmement heureux et extrêmement malheureux sont également