Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t2, 1901.djvu/199

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1432 (2121. III, f° 35o).— Les Anglois qui ont re- , passé la Manche semblent avoir repassé le fleuve Lethé. Ce n’est pas qu’ils soyent ingrats, mais peu sont en état de vous recevoir à Londres, où ils n’ont point souvent de maison : ils sont embarrassés à 5 vous recevoir.

1433* (1531. II, f° 234). — Anglois. — Ils parlent peu, et, cependant, ils veulent être écoutés. Chez eux, la simplicité, la modestie, la retenue, ne sont jamais ridicules. Ils font cas du mérite personnel plus qu’au- 1o cune nation du Monde. Ils ont leurs caprices ; mais ils en reviennent. Si vous leur envoyez de petites gens, ils croyent que vous voulez les tromper. Ils sont vrais, et ouverts, et même indiscrets ; mais ils ne peuvent souffrir d’être trompés. Tout ce qui s’ap- 15 pelle air leur déplaît. Ils aiment à voir la simplicité et la décence ; ils aiment à raisonner, plus qu’à converser. Naturellement honnêtes gens, si la Cour et le besoin ne les a pas corrompus ; braves, sans estimer la bravoure ; également capables de mépriser 2o l’argent et de l’aimer ; incapables de se divertir, ils aiment qu’on les divertisse. Quand les étrangers n’ont pas les défauts qu’ils leur croyent, ils sont gens à les aimera la folie. Ils aiment les talents et n’en sont point jaloux. Tout cela est couvert d’une bizarrerie, qui 25 est comme l’habit qui enveloppe toutes leurs vertus.

Voilà pour les particuliers !

Voici la Nation et le Ministère :

Trompez-les ; comme ils n’espèrent pas de pouvoir vous le rendre, vous les mettez au désespoir. 3o