Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t2, 1901.djvu/210

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1458* (206.I, p. 2o3). — De l’Éternité du Monde.— L’argument de Lucrèce contre l’éternité du Monde prouve trop :

Prœterea, si nulla fuit genitalis origo 5 Terrai et Cœli, semperque ceterna fuere Cur supra bellum Thebanum etfunera Trojœ Non alias alii quoque res cecinere poetœ ? Quo tôt fada virum toties cecidere ? nec usquam AZternis famœ monumentis insita florent ? 1o Verum(ut opinor) habet novitatem summa, recensque Natura est Mundi, neque pridem exordia cepit.

Je dis qu’il prouve trop. Nous ne connoissons rien avant les Olympiades, c’est-à-dire avant deux mille cinq ou six cents ans. Tout le reste est fable

15 et obscurité. Nous sommes, cependant, sûrs que le Monde dure depuis au moins six mille ans. Nous avons donc trois mille cinq cents ans, au moins, de la durée du Monde pour lesquels l’histoire nous manque.

2o Pour que l’argument de Lucrèce fût bon, il faudroit que nous eussions une histoire bien exacte et bien suivie depuis l’époque de la naissance du Monde.

Alors on pourroit dire : «il faut bien que le

î5 Monde n’ait pas commencé avant, puisque nous

n’avons point de mémoire que rien ait précédé. »

Mais ici il y a un âge constant qui a précédé,

dont nous n’avons point de mémoire, et, pour la

connoissance duquel, nous avons besoin de la Ré

3o vélation.