Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t2, 1901.djvu/212

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d’idées ?— Il faudroit donc que tout le peuple partît de ce petit nombre d’idées. Et, avant qu’il eût fait le moindre progrès, quel temps ne se passeroit-il pas ? Car la plupart des arts concernent un grand 5 peuple, non pas une certaine quantité d’hommes. Avant qu’ils n’eussent fait de bonnes loix, qu’il n’eussent pris ce tour d’esprit qui fait fleurir un État, combien de temps s’écouleroit-il ? Il est certain que l’origine du Monde ne se prouve

1. D’ailleurs, les arts se tiennent presque tous : une aiguille est le résultat de bien des arts.

1u que par les Livres sacrés ; car, pour les preuves historiques, elles sont toutes contre le système reçu. Le concert unanime de tous les historiens étant pour une plus grande antiquité forme une démonstration dans ce genre. Dire que tous les peuples par

15 vanité ont reculé leur origine, c’est parler sans raison : la vanité ayant peu de part à cela. N’avonsnous pas un écrivain de notre histoire qui a retranché nos premiers roix ? (C’est le père Daniel). Il semble que l’opinion du Monde indestructible

2o suppose aussi qu’il n’a pas eu de commencement. L’opinion de la destruction du Monde par le feu, qui est l’opinion des anciens philosophes, et celle qui est parmi nous orthodoxe, ne porte qu’un dérangement, auquel, par les règles du mouvement, doit

23 nécessairement succéder un autre arrangement. Toute notre théologie, la résurrection des corps, la destruction par le feu, tout cela ne suppose qu’un nouvel arrangement. Et, supposé que le mouvement de la matière soit inadmissible, le Monde doit sub

3o sister éternellement, et Lucrèce raisonne peu philosophiquement, lorsqu’il dit que la destruction que