Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t2, 1901.djvu/226

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été huit cents ans toujours en guerre, successivement avec tous les peuples du Monde.

Ceci n’empêche pas que les peuples du Nord n’ayent toujours subjugué les peuples du Midi, parce 5 que ce sont des peuples éternels, indomptables (principalement parce qu’ils ne valent pas la peine d’être domptés), qui prennent les empires du Midi dans les temps de leur décadence, et en précipitent la chute.

1478 (65o. I, f° 458). — Il ne faut pas juger la force

1o que les différents pays d’Europe avoient autrefois par celle qu’ils ont aujourd’hui. Ce n’étoit pas seulement l’étendue et la richesse d’un royaume qui en faisoit la puissance ; mais plutôt la grandeur du domaine du Prince1. Les roix d’Angleterre, qui

1=. avoient de très grands revenus, firent de très grandes choses, et les roix de France, qui avoient de plus grands vassaux, en furent longtemps moins aidés qu’embarrassés.

Lorsque les armées conquirent, les terres furent

2o partagées entre elles et les chefs. Mais, plus la conquête étoit ancienne, plus on avoit pu dépouiller les roix par des usurpations ou par des récompenses. Et, comme les Normands furent les derniers conquérants, le roi Guillaume2, qui se réserva tout le

i5 domaine ancien, avec ce qu’il eut par le nouveau partage, fut le plus riche prince de l’Europe.

1. Mis cela dans la Monarchie universelle.

2. Ses revenus montoient à 1o61 livres sterling par jour (Oderici Vitalis liber 1) : ce qui, dans la proportion d’aujourd’hui, revient à 4 ou 5 millions sterling par an.