Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t2, 1901.djvu/367

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état d’entretenir cette flotte, il a des moyens en ses mains que les autres souverains n’ont pas. Comme il exerce la puissance pontificale dans la Sicile, il pourroit à son gré diminuer le nombre des moines, retrancher leurs biens et en grossir les revenus 5 publics. Un prétexte suffit pour ces sortes de choses. Il pourroit obliger les ecclésiastiques à cultiver ou donner à cens leurs terres incultes. Il faudroit se conduire de manière que l’on fît paroître beaucoup de respect pour les superstitions indifférentes, pen- ’° dant qu’on détruiroit les superstitions nuisibles. On pourroit mettre en Sicile les invalides des troupes royales, qui serviroient à la garder, et y appliquer les revenus des principaux bénéfices. Il faudroit y faire des loix qui favorisassent les mariages et entre- ^ tenir une exacte sévérité dans la police. Il faudroit y appeler et favoriser les Juifs et les étrangers. Il faudroit employer les soyes qui y viennent, en manufactures. On pourroit encourager le labourage en deux manières : 1° en favorisant la sortie des grains 1° de Sicile et trouvant un débouché pour les vendre aux Hollandois, Marseillois et même dans l’Archipel, qui en manque quelquefois ; 2° en entretenant le prix du bled un peu haut : ce qu’on pourroit faire très facilement. Or, rien n’entretient plus l’ardeur" du maître et du colon pour le travail que l’espérance d’un prix raisonnable pour son bled. Il y a toujours un rapport naturel entre le prix des fruits de la terre et le salaire que l’on donne aux gens qui la travaillent : si les fruits qui en viennent valent peu, on leur 3o donne peu ; s’ils valent beaucoup, on leur donne