Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t2, 1901.djvu/522

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aussi l’âme et mettoit l’être qui étoit touché, à une espèce d’état de péché et le rendoit désagréable à Dieu, comme la souillure nous rendoit désagréables les uns aux autres. Mais, quand l’âme a été bien 5 distinguée du corps, on a bien vu qu’il n’y avoit que le corps qui étoit souillé.

L’idée de M. de Fontenelle est différente, et elle est très ingénieuse, si elle n’est pas solide. Il dit que cela vient de ce que les meurtriers étoient ordinai rement tachés de sang ; que, dans les premiers temps où les hommes étoient habillés de peau, il falloit beaucoup laver pour effacer le sang ; que ceux qui étoient impurs, c’est-à-dire tachés de sang, étoient des meurtriers, et que les hommes s’accoutumèrent

1 5 à lier ces deux idées : du crime et de la souillure, et passèrent ainsi d’une idée à l’autre.

On parla ensuite des sacrifices, et je dis que l’idée des sacrifices venoit de ce que, Dieu étant maître de tout, on ne peut lui rien donner qu’en se privant.

M. Yorke dit que cette idée venoit des sacrifices humains ; que l’on avoit cru qu’un homme pouvoit prendre sur lui tous les péchés des autres, et qu’on avoit ensuite cru que les bêtes que l’on sacrifioit s’en chargeoient de même.

Je crois aussi que l’on a pu croire que des Divinités se plaisoient à l’odeur du sang des victimes, et de leur chair brûlée, et de leur fumée.

2148* (969. II, f° 25). — Le Paganisme étoit pour lors dans sa décadence. Fondé sur les délires des poètes, il étoit incompatible avec toute sorte de