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DE L’ESPRIT DES LOIS.


pouvoit appeler [1] de faux jugement ; car il auroit toujours appelé, ou pour prolonger sa vie, ou pour faire la paix.

Si quelqu’un [2] disoit que le jugement étoit faux et mauvais, et n’offroit pas de le faire tel, c’est-à-dire de combattre, il étoit condamné à dix sous d’amende s’il étoit gentilhomme, et à cinq sous s'il étoit serf, pour les vilaines paroles qu’il avoit dites.

Les juges [3] ou pairs qui avoient été vaincus, ne dévoient perdre ni la vie ni les membres ; mais celui qui les appeloit étoit puni de mort, lorsque l’affaire étoit capitale [4].

Cette manière d’appeler les hommes de fief pour faux jugement, étoit pour éviter d’appeler le seigneur même. Mais [5] si le seigneur n’avoit point de pairs, ou n’en avoit pas assez, il pouvoit, à ses frais, emprunter [6] des pairs de son seigneur suzerain ; mais ces pairs n’étoient point obligés de juger, s’ils ne le vouloient ; ils pouvoient déclarer qu’ils n’étoient venus que pour donner leur conseil ; et, dans ce cas [7] particulier, le seigneur jugeant et prononçant lui-même le jugement, si on appeloit contre lui de faux jugement, c’étoit à lui à soutenir l’appel.

Si le seigneur [8] étoit si pauvre qu’il ne fût pas en état de prendre des pairs de son seigneur suzerain, ou qu’il

  1. Beaum., ch. LXI, p. 316 ; et Défont, ch. XXII, art. 21. (M.)
  2. Ibid., ch. LXI, p. 314. (M.)
  3. Défont., ch. XXII, art. 7. (M.)
  4. Voyez Défont., ch. XXI, art. 11, 12 et suivants, qui distingue les cas où le fausseur perdoit la vie, la chose contestée, ou seulement l'interlocutoire. (M.)
  5. Beaum., ch. LXII, p. 322. Défont., ch. XXII, art. 3. (M.)
  6. Le comte n'étoit pas obligé d'en prêter. Beaum., ch. LXVII, p.337. (M.)
  7. Nul ne peut faire jugement en sa cour, dit Beaum., ch. LXVIII, p. 336 et 337. (M.)
  8. Ibid., ch. LXII, p. 322. (M.)