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Liv. II. Chap. II.

préteur. Il a été frappé de la magnificence ou des richesses d’un citoyen ; cela suffit pour qu’il puisse choisir un édile. Toutes ces choses sont des faits dont il s’instruit mieux dans la place publique, qu’un monarque dans son palais. Mais, saura-t-il conduire une affaire, connoître les lieux, les occasions, les momens, en profiter ? Non : il ne le saura pas.

Si l’on pouvoit douter de la capacité naturelle qu’a le peuple pour discerner le mérite, il n’y auroit qu’à jeter les yeux sur cette suite continuelle de choix étonnans que firent les Athéniens & les Romains ; ce qu’on n’attribuera pas sans doute au hasard.

On sait qu’à Rome, quoique le peuple se fût donné le droit d’élever aux charges les plébéiens, il ne pouvoit se résoudre à les élire ; & quoiqu’à Athenes on pût, par la loi d’Aristide, tirer les magistrats de toutes les classes, il n’arriva jamais, dit Xénophon[1], que le bas-peuple demandât celles qui pouvoient intéresser son salut ou sa gloire.

Comme la plupart des citoyens, qui

  1. Pages 691 & 692, édition de Wechelius, de l’an 1596.