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Liv. III. Chap. III

part aux affaires n’avoient point de vertu, que leur ambition étoit irritée par le succès de celui qui avoit le plus osé[1], que l’esprit d’une faction n’étoit réprimé que par l’esprit d’une autre ; le gouvernement changeoit dans cesse ; le peuple étonné cherchoit la démocratie, & ne la trouvoit nulle part. Enfin, après bien des mouvemens, des chocs & des secousses, il fallut se reposer dans le gouvernement même qu’on avoit proscrit.

Quand Sylla voulut rendre à Rome la liberté, elle ne put plus la recevoir ; elle n’avoit plus qu’un foible reste de vertu : & comme elle en eut toujours moins, au lieu de se réveiller après César, Tibere, Caïus, Claude, Néron, Domitien, elle fut toujours plus esclave ; tous les coups porterent sur les tyrans, aucun sur la tyrannie.

Les politiques Grecs qui vivoient dans le gouvernement populaire, ne reconnoissoient d’autre force qui pût le soutenir, que celle de la vertu. Ceux d’aujourd'hui ne nous parlent que de manufactures, de commerce, de finances, de richesses & de luxe même.

  1. Cromwell.