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De l’esprit des Lois,

lation qui les rendent sauvages. On ne peut pas dire que la musique inspirât la vertu ; cela seroit inconcevable : mais elle empêchoit l’effet de la férocité de l’institution, & faisoit que l’ame avoit dans l’éducation une part qu’elle n’y aurait point eue.

Je suppose qu’il y ait parmi nous une société de gens si passionnés pour la chasse, qu’ils s’en occupassent uniquement ; il est sûr qu’ils en contracteroient une certaine rudesse. Si ces mêmes gens venoient à prendre encore du goût pour la musique, on trouveroit bientôt de la différence dans leurs manieres & dans leurs mœurs. Enfin les exercices des Grecs n’excitoient en eux qu’un genre de passions, la rudesse, la colere, la cruauté. La musique les excite toutes, & peut faire sentir à l’ame la douceur, la pitié, la tendresse, le doux plaisir. Nos auteurs de morale, qui parmi nous, proscrivent si fort les théâtres, nous font assez sentir le pouvoir que la musique a sur nos ames.

Si à la société dont j’ai parlé, on ne donnoit que des tambours & des airs de trompette, n’est-il pas vrai que l’on parviendroit moins à son but, que si