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Liv. V. Chap. VIII.

appellent à eux sous prétexte de rétributions ou d’appointemens pour les emplois qu’ils exercent ; enfin quand ils rendent le peuple tributaire, & se partagent les impôts qu’ils levent sur eux. Ce dernier cas est rare ; une aristocratie en pareil cas est le plus dur de tous les gouvernemens.

Pendant que Rome inclina vers l’aristocratie, elle évita très-bien ces inconvéniens. Les magistrats ne tiroient jamais d’appointemens de leur magistrature. Les principaux de la république furent taxés comme les autres ; ils le furent même plus, & quelquefois ils le furent seuls. Enfin, bien loin de se partager les revenus de l’état, tout ce qu’ils purent tirer du trésor public, tout ce que la fortune leur envoya de richesses, ils le distribuerent au peuple pour se faire pardonner leurs honneurs[1].

C’est une maxime fondamentale, qu’autant que les distributions faites au peuple ont de pernicieux effets dans la démocratie, autant en ont-elles de bons dans le gouvernement aristocra-

  1. Voyez dans Strabon, liv. XIV, comment les Rhodiens se conduisirent à cet égard.