Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/404

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
230
De l’esprit des Lois,

au dehors, toujours déterminée à une révolution par la plus petite force étrangere, avoit dans son sein un peuple immense, qui n’eut jamais que cette cruelle alternative de se donner un tyran, ou de l’être lui-même.




CHAPITRE III.

De l’esprit d’égalité extrême.


Autant que le ciel est éloigné de la terre, autant le véritable esprit d’égalité l’est-il de l’esprit d’égalité extrême. Le premier ne consiste point à faire en sorte que tout le monde commande, ou que personne ne soit commandé ; mais à obéir & à commander à ses égaux. Il ne cherche pas à n’avoir point de maître, mais à n’avoir que ses égaux pour maîtres.

Dans l’état de nature les hommes naissent bien dans l’égalité : mais ils n’y sauroient rester. La société la leur fait perdre, & ils ne redeviennent égaux que par les lois.

Telle est la différence entre la démocratie réglée & celle qui ne l’est pas ; que dans la premiere, on n’est égal que