Il ne laissa pas seulement aux peuples vaincus leurs mœurs ; il leur laissa encore leurs lois civiles, & souvent même les rois & les gouverneurs qu’il avoit trouvés. Il mettoit les Macédoniens[1] à la tête des troupes, & les gens du pays à la tête du gouvernement ; aimant mieux courir le risque de quelqu’infidélité particuliere (ce qui lui arriva quelquefois) que d’une révolte générale. Il respecta les traditions anciennes, & tous les monumens de la gloire ou de la vanité des peuples. Les rois de Perse avoient détruit les temples des Grecs, des Babyloniens & des Egyptiens ; il les rétablit[2] : peu de nations se soumirent à lui, sur les autels desquelles il ne fît des sacrifices : il sembloit qu’il n’eût conquis, que pour être le monarque particulier de chaque nation, & le premier citoyen de chaque ville. Les Romains conquirent tout, pour tout détruire ; il voulut tout conquérir, pour tout conserver : & quelque pays qu’il parcourût, ses premieres idées, ses premiers desseins furent toujours de faire quelque chose qui pût en augmenter la