Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/475

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
301
Liv. X. Chap. XIV.

prospérité & la puissance. Il en trouva les premiers moyens dans la grandeur de son génie ; les seconds dans sa frugalité & son économie particuliere[1] ; les troisiemes dans son immense prodigalité pour les grandes choses. Sa main se fermoit pour les dépenses privées ; elle s’ouvroit pour les dépenses publiques. Falloit-il régler sa maison ? c’étoit un Macédonien ; falloit-il payer les dettes des soldats, faire part de sa conquête aux Grecs, faire la fortune de chaque homme de son armée ? il étoit Alexandre.

Il fit deux mauvaises actions ; il brûla Persépolis, & tua Clitus. Il les rendit célebres par son repentir : de sorte qu’on oublia ses actions criminelles, pour se souvenir de son respect pour la vertu ; de sorte qu’elles furent considérées plutôt comme des malheurs, que comme des choses qui lui fussent propres ; de sorte que la prospérité trouve la beauté de son ame presque à côté de ses emportemens & de ses foiblesses ; de sorte qu’il fallut le plaindre, & qu’il n’étoit plus possible de le haïr.

Je vais le comparer à César : Quand César voulut imiter les rois d’Asie, il

  1. Ibid. lib. VII.