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De l’esprit des Lois,

centuries, il étoit composé de sénateurs, de patriciens & de plébéiens. Dans les disputes, les plébéiens gagnerent ce point[1], que seuls, sans les patriciens & sans le sénat, ils pourroient faire des lois qu’on appela plébiscites ; & les comices où on les fit, s’appelerent comices par tribus. Ainsi il y eut des cas où les patriciens[2] n’eurent point de part à la puissance législative, &[3] où ils furent soumis à la puissance législative d’un autre corps de l’état. Ce fut un délire de la liberté. Le peuple, pour établir la démocratie, choqua les principes mêmes de la démocratie. Il sembloit qu’une puissance aussi exorbitante, auroit dû anéantir l’autorité du sénat : mais Rome avoit deux institutions admirables. Elle en avoit deux sur-tout ; par l’une, la puissance législative du

  1. Denys d’Halicarnasse, liv. XI, pag. 725.
  2. Par les lois sacrées, les plébéiens purent faire des plébiscites, seuls, & sans que les patriciens fussent admis dans leur assemblée ; Denys d’Halicarnasse, liv. VI, p. 410 ; & liv. VII, p. 430.
  3. Par la loi faite après l’expulsion des décemvirs, les patriciens furent soumis aux plébiscites, quoiqu’ils n’eussent pu y donner leur voix. Tite-Live, liv. III ; & Denys d’Halicarnasse, liv. XI, p. 725 ; & cette loi fut confirmée par celle de Publius Philo, dictateur, l’an de Rome 416. Tite-Live, liv. VIII.