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de M. de Montesquieu

l’exclusion perpétuelle, & sur-tout les motifs de l’exclusion, lui paroissoient une injure. Il vit le ministre, lui déclara que, par des raisons particulieres, il n’avouoit point les lettres persanes ; mais qu’il étoit encore plus éloigné de désavouer un ouvrage dont il croyoit n’avoir point à rougir ; & qu’il devoit être jugé d’après une lecture, & non sur une délation. Le ministre prit enfin le parti par où il auroit dû commencer ; il lut le livre, aima l’auteur, & apprit à mieux placer sa confiance. L’académie françoise ne fut point privée d’un de ses plus beaux ornemens ; & la France eut le bonheur de conserver un sujet que la superstition & la calomnie étoient prêtes à lui faire perdre : car M. de Montesquieu avoit déclaré au gouvernement, qu’après l’espece d’outrage qu’on alloit lui faire, il iroit chercher chez les étrangers qui lui tendoient les bras, la sureté, le repos, & peut-être les récompenses qu’il auroit dû espérer dans son pays. La nation eût déploré cette perte, & la honte en fût pourtant retombée sur elle.

Feu M. le Maréchal d’Estrées, alors directeur de l’académie françoise, se conduisit dans cette circonstance en courtisan vertueux, & d’une ame vraiment élevée : il ne craignit, ni d’abuser de son crédit, ni de le compromettre ; il soutint