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Éloge


Un autre personnage non moins fameux, que M. de Montesquieu vit encore plus souvent à Venise, fut le comte de Bonneval. Cet homme si connu par les aventures qui n’étoient pas encore à leur terme, & flatté de converser avec un juge digne de l’entendre, lui faisoit avec plaisir le détail singulier de sa vie, le récit des actions militaires où il s’étoit trouvé, le portrait des généraux & des ministres qu’il avoit connus. M. de Montesquieu se rappelloit souvent ces conversations, & en racontoit différens traits à ses amis.

Il alla de Venise à Rome. Dans cette ancienne capitale du monde, qui l’est encore à certains égards, il s’appliqua sur-tout à examiner ce qui la distingue aujourd’hui le plus ; les ouvrages des Raphaël, des Titien, & des Michel-Ange. Il n’avoit point fait une étude particuliere des beaux arts ; mais l’expression, dont brillent les chefs-d’œuvres en ce genre, saisit infailliblement tout homme de génie. Accoutumé à étudier la nature, il la reconnoît quand elle est imitée, comme un portrait ressemblant frappa tous ceux à qui l’original est familier. Malheur aux productions de l’art dont toute la beauté n’est que pour les artistes !

Après avoir parcouru l’Italie, M. de Montesquieu vint en Suisse. Il examina