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De l’esprit des Lois,

cette nation devroient avoir un grand rapport à ses lois.

Comme il y auroit dans cet état deux pouvoirs visibles, la puissance législative & l’exécutrice ; & que tout citoyen y auroit sa volonté propre, & feroit valoir à son gré son indépendance ; la plupart des gens auroient plus d’affection pour une de ces puissances que pour l’autre, le grand nombre n’ayant pas ordinairement assez d’équité ni de sens pour les affectionner également toutes les deux.

Et comme la puissance exécutrice, disposant de tous les emplois, pourroit donner de grandes espérances & jamais des craintes : tous ceux qui obtiendroient d’elle seroient portés à se tourner de son côté, & elle pourroit être attaquée par tous ceux qui n’en espéreroient rien.

Toutes les passions y étant libres, la haine, l’envie, la jalousie, l’ardeur de s’enrichir & de se distinguer, paroîtroient dans toute leur étendue ; & si cela étoit autrement, l’état seroit comme un homme abattu par la maladie, qui n’a point de passions, parce qu’il n’a point de forces.