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De l’esprit des Lois,

dans cette nation, il y auroit plus d’esprit que de goût.

Comme on seroit toujours occupé de ses intérêts, on n’auroit point cette politesse qui est fondée sur l’oisiveté ; & réellement on n’en auroit pas le temps.

L’époque de la politesse des Romains est la même que celle de l’établissement du pouvoir arbitraire. Le gouvernement absolu produit l’oisiveté ; & l’oisiveté fait naître la politesse.

Plus il y a de gens dans une nation qui ont besoin d’avoir des ménagemens entr’eux & de ne pas déplaire, plus il y a de politesse. Mais c’est plus la politesse des mœurs que celle des manieres, qui doit nous distinguer des peuples barbares.

Dans une nation où tout homme à sa maniere prendroit part à l’administration de l’état, les femmes ne devroient guere vivre avec les hommes. Elles seroient donc modestes, c’est-à-dire, timides : cette timidité seroit leur vertu, tandis que les hommes sans galanterie se jetteroient dans une débauche qui leur laisseroit toute leur liberté & leur loisir.

Les lois n’y étant pas faites pour un particulier plus que pour un autre, chacun se regarderoit comme monarque ; &