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Liv. XX. Chap. XXIII.

hasard même. L’avarice des nations se dispute les meubles de tout l’univers. Il peut se trouver un état si malheureux, qu’il sera privé des effets des autres pays, & même encore de presque tous les siens : les propriétaires des fonds de terre n’y seront que les colons des étrangers. Cet état manquera de tout, & ne pourra rien acquérir ; il vaudroit bien mieux qu’il n’eût de commerce avec aucune nation du monde : c’est le commerce qui, dans les circonstances où il se trouvoit, l’a conduit à la pauvreté.

Un pays qui envoie toujours moins de marchandises ou de denrées qu’il n’en reçoit, se met lui-même en équilibre en s’appauvrissant : il recevra toujours moins, jusqu’à ce que, dans une pauvreté extrême, il ne reçoive plus rien.

Dans les pays de commerce, l’argent qui s’est tout-à-coup évanoui revient, parce que les états qui l’ont reçu le doivent : dans les états dont nous parlons, l’argent ne revient jamais, parce que ceux qui l’ont pris ne doivent rien.

La Pologne servira ici d’exemple. Elle n’a presqu’aucune des choses que nous appellons les effets mobiliers de l’univers, si ce n’est le blé de ses terres.