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De l’esprit des Lois,

de Sémiramis & de Cyrus avoient péri dans ces déserts ; & Alexandre, qui se fit suivre par sa flotte, ne laissa pas d’y perdre une grande partie de son armée. Les Perses laissoient toute la côte au pouvoir des Icthyophages[1], des Orittes & autres peuples barbares. D’ailleurs les Perses[2] n’étoient pas navigateurs, & leur religion même leur ôtoit toute idée de commerce maritime. La navigation que Darius fit faire sur l’Indus & la mer des Indes, fut plutôt une fantaisie d’un prince qui veut montrer sa puissance, que le projet réglé d’un monarque qui veut l’employer. Elle n’eut de suite, ni pour le commerce, ni pour la marine ; & si l’on sortit de l’ignorance, ce fut pour y retomber.

Il y a plus : il étoit reçu[3] avant l’expédition d’Alexandre, que la partie méridionale des Indes étoit inhabitable[4] : ce qui suivoit de la tradition

  1. Pline, liv. VI, ch XXIII. Strabon, liv. XV.
  2. Pour ne point souiller les élémens, ils ne naviguoient pas sur les fleuves. M. Hidde, religion des Perses. Encore aujourd’hui ils n’ont point de commerce maritime, & ils traitent d’athées ceux qui vont sur mer.
  3. Strabon, liv. XV.
  4. Hérodote, in Melpomene, dit que Darius, conquit les Indes. Cela ne peut-être entendu que de l’Ariane : encore fut-ce qu’une conquête en idée.