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Liv. XXI. Chap. XII.

guerre long-temps, & par conséquent de discipliner les troupes : il put les armer, & les instruire dans l’art militaire[1] des Romains, & former des corps considérables de leurs transfuges, enfin il put faire de grandes pertes, & souffrir de grands échecs, sans périr : & il n’auroit point péri, si, dans les prospérités, le roi voluptueux & barbare n’avoit pas détruit ce que, dans la mauvaise fortune, avoit fait le grand prince.

C’est ainsi que, dans le temps que les Romains étoient au comble de la grandeur, & qu’ils sembloient n’avoir à craindre qu’eux-mêmes, Mithridate remit en question ce que la prise de Carthage, les défaites de Philippe, d’Antiochus & de Persée, avoient décidé. Jamais guerre ne fut plus funeste : & les deux partis ayant une grande puissance & des avantages mutuels, les peuples de la Grece & de l’Asie furent détruits, ou comme amis de Mithridate, ou comme ses ennemis. Délos fut enveloppée dans le malheur commun. Le commerce tomba de toutes parts ; il falloit bien qu’il fût détruit, les peuples mêmes l’étoient.

  1. Voyez Appien, de la guerre contre Mithridate.