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Liv. XXI. Chap. XX.

fouiller dans la bourse de leurs sujets, à cause de leurs privileges, mettoient à la torture les Juifs, qu’on ne regardoit pas comme citoyens.

Enfin il s’introduisit une coutume, qui confisqua tous les biens des Juifs qui embrassoient le christianisme. Cette coutume si bizarre, nous la savons par la loi[1] qui l’abroge. On en a donné des raisons bien vaines ; on a dit qu’on vouloit les éprouver, & faire en sorte qu’il ne restât rien de l’esclavage du démon. Mais il est visible que cette confiscation étoit une espece de droit[2] d’amortissement pour le prince ou pour les seigneurs, des taxes qu’ils levoient sur les Juifs, & dont ils étoient frustrés lorsque ceux-ci embrassoient le christianisme. Dans ces temps-là on regardoit les hommes comme des terres. Et je remarquerai en passant, combien on s’est joué de cette nation d’un siecle à l’autre. On confisquoit leurs biens lors-

  1. Édit donné à Baville le 4 avril 1392.
  2. En France, les Juifs étoient serfs, main-mortables ; & les seigneurs leur succédoient. M. Brusset rapporte un accord de l’an 1206, entre le Roi & Thibaut, comte de Campagne, par lequel il étoit convenu que les Juifs de l’un ne prêteroient point dans les terres de l’autre.