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De l’esprit des Lois,

ont dit que Néron avoit ôté le droit du vingt-cinquieme des esclaves qui le vendoient[1] ; il n’avoit pourtant fait qu’ordonner que ce seroit le vendeur qui le payeroit, au lieu de l’acheteur : ce réglement qui laissoit tout l’impôt, parut l’ôter.

Il y a deux royaumes en Europe où l’on a mis des impôts très-forts sur les boissons : dans l’un le brasseur seul paye le droit ; dans l’autre, il est levé indifféremment sur tous les sujets qui consomment. Dans le premier, personne ne sent la rigueur de l’impôt ; dans le second, il est regardé comme onéreux : dans celui-là, le citoyen ne sent que la liberté qu’il y a de ne pas payer ; dans celui-ci, il ne sent que la nécessité qui l’y oblige.

D’ailleurs, pour que le citoyen paye, il faut des recherches perpétuelles dans sa maison. Rien n’est plus contraire à la liberté : & ceux qui établissent ces sortes d’impôts, n’ont pas le bonheur d’avoir à cet égard rencontré la meilleure sorte d’administration.

  1. Vectigal quintæ & vicessmæ venalium mancipiorum remissum specie magis quam vi ; quia cum venditor pendere juberetur, in partent pretii, emptoribus accrescebat. Tacite, Annales, liv. XIII.